Diaconie. Au fil des années le mot fait son chemin dans l’Église, mais il est encore souvent peu compris. Le terme de diaconie a été mis en valeur à Noël 2005 par l’encyclique Deus caritas est du pape Benoît XVI. Il désigne les divers engagements sociaux des communautés chrétiennes, ces engagements étant la mise en œuvre de l’Évangile au service des plus pauvres. Ceci va bien au-delà de la vision habituelle des œuvres caritatives, il ne s’agit pas uniquement de résoudre des problèmes pratiques, il s’agit de fonder la relation dans l’être et le ministère du Christ. Dans ces conditions, le lieu de l’engagement devient source de la foi.

Depuis plusieurs années, des théologiens se penchent sur cette source que peut être la voix des plus pauvres. Au Centre Jean XXIII, nous avons déjà eu l’occasion d’entendre le frère franciscain Frédéric-Marie Le Méhauté. Le 6 février dernier, le Centre de Formation Diocésain avait invité le père Étienne Grieu, s. j., professeur aux Facultés Loyola Paris, pour une matinée pastorale sur le thème « Compter sur ceux qui ne comptent pas ? ». Le fondement du travail du père Étienne consiste en l’étude d’entretiens avec des personnes marquées par de grandes précarités pour revisiter des questions théologiques classiques. De précieux enseignements sont à en tirer pour que les actions de solidarité humanisent et transforment en profondeur les personnes investies dans la diaconie comme les personnes vulnérables.

Le théologien note d’abord que, contrairement à une vision idéalisée de la grande pauvreté, le noyau des personnes en situation de précarité est attaqué par leurs conditions de vie. La grande pauvreté humilie, anonymise et amoindrit les capacités à prendre du recul. Elle rend furieux. « Pas violent, précise-t-il, mais furieux. C’est quelque chose que le père Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde avait remarqué. La misère fait perdre les repères de la vie en société. » De ce fait, la parole des personnes très pauvres est cachée. « Faute de pouvoir parler ensemble, il est impossible de construire ensemble. »

Que nous apprennent les personnes en situation de précarité ? En premier lieu, elles nous permettent de découvrir un autre angle de vue sur la réalité, puis elles nous font part de leur familiarité avec le Crucifié et de leur expérience du Ressuscité. « Ces personnes vivent des choses très fortes avec Dieu, explique le père Étienne, mais il faut les entendre, ouvrir des lieux pour cela. (…) Plus l’Église est attentive à la parole des personnes en grande précarité, plus elle devient simple et joyeuse. »

Au fil de la matinée et des échanges d’expérience, de nombreuses initiatives sont citées. En France, le jésuite cite La Pierre d’Angle Fraternité Quart Monde et le réseau Saint-Laurent. Au Luxembourg, Marie-Christine Ries évoque Reech eng Hand et le groupe Fratello, et le père Théo Klein, s. c. j., parle de son expérience de bénévole auprès de Médecins du Monde. Le mot de la fin revient à sœur Édith, la fondatrice d’ATD Quart Monde au Luxembourg : « le mouvement avait compris que c’était des personnes comme les autres mais avec une histoire, une blessure, qui mettait à mal leur image ». Chacun d’entre nous peut redonner une voix à ces personnes, en les écoutant et en donnant du prix à leur parole.

Prière du père Joseph Wresinski (1917-1988)
La misère ne se guérit pas par quelques dons, si ce n’est le don de soi. La charité, c’est quand on n’a plus rien et qu’on donne quand même. La charité, c’est quand on n’a plus rien à donner et que Jésus dit : « Donne ton cœur » ! La charité n’est pas l’aumône mais l’amour de Dieu. Si nous perdons contact avec les plus pauvres, nous perdons forcément contact avec Celui qui s’est identifié à eux, avec Celui qui ne garde rien pour Lui, puisqu’Il s’est fait Don total, Pain partagé, Serviteur. Amen.

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