Skip to main content Skip to page footer

Cardinal Arlindo Gomes Furtado : « nous devons créer des liens d’amitié »

Entretien exceptionnel avec l’évêque de Santiago du Cap-Vert, en visite au Luxembourg.

Les statistiques sont toujours complexes à établir. En 2011, en prenant en considération l’origine des parents, le Centre d’Étude et de Formation Interculturelles et Sociales (CEFIS) estimait que la communauté d’origine capverdienne au Luxembourg comptait près de 8 500 personnes, très majoritairement de religion catholique et pratiquantes (le Cap-Vert compte plus de 90% de catholiques). Dans leurs bagages, les Capverdiens ont apporté leur langue créole et leurs traditions. En particulier celle de la Sainte-Catherine qui a été célébrée solennellement samedi dernier à Esch-sur-Alzette.
Répondant à l’invitation de notre archevêque, le cardinal Jean-Claude Hollerich, l’évêque de Santiago du Cap-Vert, le cardinal Arlindo Gomes Furtado, a passé trois jours au Luxembourg, pour célébrer la Sainte-Catherine avec les Capverdiens du Luxembourg. Avec une diaspora capverdienne plus nombreuse que les habitants restés sur place, Mgr Gomes Furtado est un spécialiste de la question de l’intégration des communautés étrangères dans les Églises locales. Il a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à nos questions.

Votre Éminence, à quoi ressemble votre vie quotidienne ? Consacrez-vous beaucoup de temps à aller rendre visite aux communautés capverdiennes en dehors du Cap-Vert ?

Nous circulons beaucoup. Le Cap-Vert compte dix îles, dont une inhabitée. Mon diocèse, celui de Santiago, a quatre îles et vingt-sept paroisses. Nous passons constamment d’une île à l’autre. Pour ce qui est des Capverdiens qui vivent à l’étranger, ils ne dépendent plus de mon autorité mais de celle des responsables de l’Église locale. Je leur rends visite lorsque je suis invité par l’évêque du lieu, ou par la communauté avec son autorisation. Le respect de cette autorisation est nécessaire pour ne pas donner le sentiment de nous imposer. C’est la deuxième fois que le cardinal Hollerich m’invite et je lui en suis très reconnaissant car il me reçoit comme un frère, comme nous le faisons au Cap-Vert, ce qui assez rare en Europe, même dans l’Église.

Quelles différences notez-vous au sein de la communauté capverdienne du Luxembourg, par rapport à votre première visite ?

La première fois, en 2005, j’étais encore évêque de Mindelo, l’autre diocèse du Cap-Vert, et je suis venu pour le pèlerinage à Notre-Dame de Fatima à Wiltz. J’avais été frappé de ce que c'était des prêtres portugais qui étaient très impliqués dans la vie de la communauté capverdienne. Cette fois-ci j’ai au contraire constaté le développement de très bons liens avec la paroisse de résidence, luxembourgeoise. C’est très positif car cela montre une bonne insertion des catholiques originaires du Cap-Vert dans leur pays d’accueil.

Quels sont les défis auxquelles sont confrontées les catholiques capverdiens à l’étranger ?

Le défi de la conservation de la foi est réel. La première génération a besoin du soutien culturel, linguistique et psychologique de sa religion. Les sentiments intimes qui naissent dans la prière s’expriment mieux dans sa langue maternelle. C’est la raison pour laquelle le soutien d’un prêtre du pays d’origine, parlant créole, est très positif. Pour les enfants qui naissent à l’étranger, l’intégration progressive dans l’Église locale est plus facile, sans perdre le lien avec les parents et les grands-parents avec lesquels généralement la communication se fait toujours en créole. À partir de la troisième ou quatrième génération l’intégration sera totale.

Au Cap-Vert, les parents sont très présents. Ici, ils travaillent beaucoup car, comme tous les immigrés, ils viennent pour réussir et la société luxembourgeoise est particulièrement matérialiste. Les enfants sont souvent seuls, ou dans des structures d’accueil qui ne sont pas chrétiennes. Le risque d’éloignement de l’Église est fort.

Partout dans le monde, je retrouve trois éléments dans toutes les communautés capverdiennes : l’instabilité de la famille avec une augmentation du nombre de séparations et un poids très lourd qui pèse sur les femmes, le matérialisme qui incite à travailler de longues heures pour gagner plus d’argent et la demande de prêtres parlant le créole.

En effet, lors de votre rencontre avec la communauté capverdienne, une personne vous a demandé d’envoyer du Cap-Vert un prêtre qui parle créole. Les nombreux fidèles présents soutenaient cette demande. Qu’en pensez-vous ?

Il est certain qu’un prêtre parlant créole est très utile à une communauté installée à l'étranger, mais toute personne qui parle créole et qui peut prendre en charge la catéchèse a un rôle essentiel à jouer, en aidant les enfants à créer des liens entre eux, à se faire des amis catholiques. Ces décisions relèvent des autorités ecclésiastiques locales et c’est une question difficile également pour nous car nos deux diocèses du Cap-Vert n’ont pas suffisamment de prêtres pour en envoyer partout dans le monde.

Partout où ils vivent les Capverdiens participent à la vie de l’Église. Dans les diocèses dans lesquels ils sont nombreux, je constate deux attitudes différentes de la part des évêques. Certains, dans leur désir de les intégrer le plus rapidement possible, en viennent à nier leurs spécificités et leurs besoins. D’autres acceptent le temps long de l’intégration progressive, comme au Luxembourg, ou comme dans le diocèse de Boston, aux États-Unis, qui m’a demandé des prêtres capverdiens, non pas pour mettre la communauté capverdienne à part mais au contraire pour favoriser son intégration.

Le Luxembourg est sans doute le pays au monde qui accueille le plus grand nombre de communautés linguistiques. Quels conseils pouvez-vous donner à l’Église qui est au Luxembourg pour intégrer tout le monde ?

Il faut créer des ponts. Le Cap-Vert est un pays métis. Son peuple à une très grande capacité d’intégration. Il est plus facile pour les Capverdiens de s’adapter au Luxembourg que l’inverse ! À la fête de la Sainte-Catherine, la présence luxembourgeoise sera plus nombreuse quand les Capverdiens se seront fait des amis luxembourgeois. C’est la base humaine qui compte, et cela vaut pour toutes les communautés. Le lien social doit être la priorité, créer des rapports de confiance, des liens d’amitié pour faire passer les valeurs, la foi, la joie !


Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé de l’actualité de l’Église catholique au Luxembourg, inscrivez-vous à la Cathol-News, envoyée tous les jeudis, en cliquant ici.

Gros titres

Plus d'actualités

D’Mass vum 23. Februar gouf vu Péiteng iwwerdroen

"Votum Solemne" in der Kathedrale

2 claviers, 11 registres, 600 tuyaux… l’orgue de l'école Sainte-Sophie s’est éveillé

Highlights & Doku "Feierliche Schlussprozession der Oktave" (1. Deel)